Bruno Humbeeck > Mango > Comment préserver ses enfants lors d'une séparation ?

Auteur: Bruno Humbeeck

Editeur: Mango
Parution: 18 mars 2022

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Etre enfant, c'est aussi, quand on le souhaite, être autorisé à ne pas parler, à ne pas prendre parti et à n'être utilisé comme témoin par personne. Pouvoir se taire, rester neutre et ne pas être impliqué dans le spectacle de deux parents qui se déchirent, c'est un droit que l'on doit à tout prix préserver chez l'enfant et chez l'adolescent.

Etre contraint de dire ce qu'il pense ou ce qu'il ressent peut être vécu de façon très violente par un enfant dès lors que cela signifie à ses yeux qu'on ne lui reconnait le droit ni à la confusion des sentiments ni au mélange d'opinions qui se manifestent inévitablement quand il voit son univers familial se fractionner.

Etre enfant, c'est être préservé de l'obligation de s'engager dans un combat qui oppose deux adultes qu'on aime généralement de façon non pas égale mais équitable en partageant son affection sans avoir besoin de la diviser. "Tu aimes mieux ton papa ou ta maman ?" Telle est la question cruelle, stupide et maladroite que tous les enfants redoutent de se voir poser parce qu'elle signifie dans leurs têtes que choisir l'un, c'est inévitablement exclure l'autre, le chasser, le blesser.

Cette question, ma grand-mère, un jour, en vacances, il y a très longtemps, me l'a posée devant mes deux parents. Je m'en suis sorti avec ne formule une formule un peu bête du style "je les aime tous les deux pareil", mais il n'empêche que plus de cinquante ans après, je m'en souviens et que j'ai alors détesté ma grand-mère pour le séisme qu'elle a créé dans ma tête avec ce questionnement public, épouvantablement indélicat.

C'est cette même question que j'entends, implicitement soumise à un enfant, chaque fois qu'il est interpellé maladroitement pour émettre un avis, donner une opinion ou exprimer un sentiment par rapport au conflit qui transforme le couple de ses parents en deux adultes distincts l'un de l'autre. Autoriser le désengagement de l'enfant constitue de ce point de vue un impératif majeur, pourtant pas si simple à mettre en place. Comment peut-il rester neutre dans le match qui oppose deux parents qui ne s'entendent plus parce qu'ils s'écoutent de travers, ne se regardent plus qu'en chien de faïence parce qu'ils ne peuvent plus se voir et se déclarent infréquentables parce qu'ils ne parviennent plus à se sentir ?

Ce livre, je l'ai sans doute écrit parce qu'à ma grand-mère, j'aurais du pouvoir répondre : ta question est stupide et personne, même pas un enfant, ne doit se sentir obligé de répondre à une question insensée surtout si cette question, par la réponse qu'il lui donnerait, ne ferait que le le déchirer.

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